Après la réunion entre les membres d'EPICEA FRANCE et le docteur Raamesh Koirala en octobre 2012, un nouveau fonctionnement des cliniques mobiles TP/INR a été mis en place au Népal.
Le Népal est un des pays les plus pauvres avec une fréquence très élevée de maladies cardiaques rhumatismales. Cette maladie affecte d'habitude les adolescents et les 20-30 ans. Rapidement ces patients sont en insuffisance cardiaque et recherche l'aide médicale. En raison du réseau routier peu développé, il est difficile pour eux de venir au bon hôpital où le diagnostic sera fait assez tôt. Jusqu'à ce qu'ils atteignent Katmandou et ensuite le service de cardiologie à l'hôpital, la maladie sera très avancée. Leur valve cardiaque sera endommagée et nous devrons procéder au remplacement de celle-ci. Ainsi, nous pouvons appeler cette maladie cardiaque rhumatismale, la maladie des pauvres.
Les valves mitrales du coeur sont de deux types, mécaniques et biologiques. En raison leur durée de vie plus courte, les valves biologiques sont implantées chez les individus âgés et pour les patientes qui souhaitent avoir un enfant et acceptent une nouvelle intervention plus tard.
En considérant l'impact économique, ce type de patients est plus rare. De cette façon, presque tous auront une valve mitrale mécanique.
Le plus grand inconvénient des valves mécaniques est le besoin d'un traitement anti-coagulant pour éviter la formation de caillaux dans la valve implantée et la cause de complications sérieuses (AVC, embolies, etc). Le traitement au Warfarin[1] doit être pris au sérieux. Dans le cas de surdosage, le sang sera trop fluide et il causera d'autres types de complications (comme l'hémorragie dans le cerveau, abdominale, ophtalmique etc). Donc la dose juste de Warfarin doit être maintenue en permanence. Le contrôle du dosage du Warfarin permet de maintenir le sang de chaque individu assez fluide pour empêcher la formation de caillot, mais pas trop afin de ne pas causer l'hémorragie interne. Ce test est connu sous le nom de TP[2] et INR[3].
Le taux de TP/INR peut-être différent pour une même dose de Warfarin en fonction des personnes et des saisons. Il y a de nombreux facteurs qui affectent l'action biologique du Warfarin pour chaque individu, comme la vitamine K, la consommation de certains aliments,l'utilisation d'autres médicaments qui interagissent avec ce médicament ou affectent son métabolisme et les protéines plasmatique. Le traitement de chaque patient peut être fortement individualisé, particulièrement quand la thérapie Warfarin est commencée ou quand le patient a d'autres médicaments
Donc, le TP/INR devrait être vérifié régulièrement pour chaque patient et la dose de Warfarin devra être ajustée pour garder le TP/INR au niveau désiré. Le Collège américain des Médecins Cardiologues suggère pour l'INR les contrôles suivants :
- vérifier INR 2-3 fois par semaine puis,
- vérifier INR 1 fois semaine pendant deux semaines puis,
- vérifier INR toutes les 3-4 semaines si l'INR est stable.
Au Népal, nous procédons au remplacement de 500 valves par an. 400 de ces remplacements sont faits pour des patients vivant à l'extérieur de Kathmandu. Quand nous avons calculé l'impact financier, nous avons constaté qu'un patient de la partie occidentale du Népal doit passer presque 4 jours et dépenser 60 euros pour venir à Kathmandu et obtenir le TP/INR vérifié et la dose de Warfarin ajustée. Il y a aucune prise en charge pour les dépenses de l'accompagnant. Il en est de même pour les patients très pauvres. Tous les patients qui ont une valve mécanique dans leur coeur sont jeunes, pauvres, et doivent travailler pour alimenter leurs enfants, parents et conjoint.
Avec un tel fardeau familial et financier, ces patients ont tendance à sauter le contrôle d'INR. Certains auront assez de chance pour ne pas avoir de complications et apparaîtront à Katmandou une ou deux fois par an. Mais la majorité n'est pas si chanceuse. Nous perdons presque 40 % de patients dans les deux ans. Comme il n'y a aucun autre endroit pour contrôler et ajuster le niveau d'INR, nous pouvons deviner le destin de tels patients. Très peu survivent à leur voyage à Katmandou après AVC, hémorragie et donc plus de besoin pour l'hospitalisation et pour d'autres chirurgies.
Nous avons constaté que nous opérions seulement et que ces jeunes meurent pour la raison très simple qu'ils n'ont pas la possibilité de contrôler leur TP/INR chez eux et l'incapacité de réajuster la dose de Warfarin où n'ont pas les moyen d'acheter le médicament. Ce qui est triste aussi est que les autres hôpitaux ne prennent pas le contrôle INR au sérieux et qu'il y a toujours une large variation dans le rapport d'INR pour le même patient le même jour en raison d'une mauvaise technique. Pour surmonter ce type d'erreur, il y a des modalités de test à base de cartouche. Cependant, c'est cher et pas un seul hôpital l'utilise. De même pas un seul docteur au Népal n'est enclin à servir ces pauvres patients pour ajuster la dose de Warfarin correctement.
[1] La warfarine appartient à la classe des médicaments appelés anticoagulants. Son caractère particulier lui vaut parfois le surnom de « fluidifiant » du sang
[2] Le TP (taux de prothrombine) est l’élément de surveillance des traitements anticoagulants à base d’anti-vitamine K
[3] International Normalized Ratio, est le rapport du TP mesuré au TP normal pour harmonisation des résultats entre laboratoires.